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Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/108

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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

— Vous ne me croirez pas, major, si je vous dis qu’encore maintenant, sur notre front…

Puis il accumula des histoires tragiques qu’il avait sues par le journal, mais que la censure avait coupées, et il termina par ces mots :

— Nous n’avons rien d’un peuple organisateur ! Pour l’héroïsme, comme pour les arts, nous trouvons une foule de gens de premier ordre, mais pour la besogne terre à terre… et indispensable, sapristi, quand il s’agit de sauver des vies… plus personne !… Aussi…

Il reprenait son souffle, plissant les yeux, en homme averti.

— Je suis vraiment heureux que vous me fassiez voir vos efforts sanitaires.

Quoique l’auto roulât environ à dix kilomètres des lignes, le vent portait, et l’air était ébranlé par le canon.

— Ce n’est pas, dit Barbet, un poste de secours sous le feu, que nous allons voir ?

Non, c’était un hôpital du front suffisamment loin pour qu’on fût à l’abri, mais suffisamment près pour qu’on y vit les hommes qui y arrivent après l’attaque, perdant leur sang, étourdis et comme ivres, et dont la première fièvre est encore la chaleur du combat.