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Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/110

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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

guerre, cette grande guerre, la plus effroyable des guerres, reste pour eux une aventure, une vaste expédition, où ils s’emploient avec la même sagesse qu’à leurs affaires. Pas de phrases, pas de gestes : ils n’ajoutent rien à la tragédie.

Et lui, Barbet, ajoutait ceci :

— Vous n’avez pas de nerfs ! Ça vous préserve d’être inutilement mélodramatiques. Tenez…

Il était entré dans l’hôpital avec le major, et à la vue de tentes indiennes, larges et dorées, avec de petits jardins autour, il put dire, vraiment ravi :

— Regardez avec quelle bonne grâce vous accueillez vos blessés !

Ils s’approchèrent des jardins, qui étaient pleins de gentillesse, si simplets avec leurs cailloux en bordure qu’ils rappellent des ouvrages d’enfants, et Barbet, attendri, remarqua :

— C’est admirable que des hommes d’armes gardent ainsi, dans sa nouveauté, un cœur plein d’attentions ! Le Boche, ce cuistre, en rirait bien. Mais… la question est de savoir si la suprême grâce, dans la délicatesse… ce n’est pas cela… c’est-à-dire… un retour aux naïvetés du premier âge… mieux présentées… avec l’adresse de l’expérience.