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Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/133

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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

cherchant quelqu’un qui ne fût pas Anglais. Derrière la cheminée, il trouva un soldat italien, qui devint son ami tout de suite.

— Z’ai pris des petits gâteaux au bouffet, disait l’Italien, des zhoux à la crème… ze voulais sans crème… tant pis !… Ze vais goûter la crème.

Il montrait au bout de ses doigts de petits paquets ficelés.

Barbet dit :

— Dame, vous ferez mieux de les manger… si jamais on était torpillé !

Et il se força à rire.

Il y avait là, aussi, un permissionnaire français qui, sans doute, était tourmenté des mêmes pensées que Barbet, car, comme pour répondre à son rire, il l’emmena voir, à l’arrière du bateau, trois marins vautrés les uns sur les autres, et il raconta que ces trois gaillards du Royaume-Uni, unis eux-mêmes dans le malheur puis dans la joie, étaient les rescapés d’un bâtiment coulé ; on les avait ramenés en France ; ils s’y étaient saoûlés jusqu’à saturation, puis, pleins comme des fûts, ils avaient embarqué sur ce bateau qui les ramenait dans leur port. Et ils riaient, grimaçaient, bavaient, et ils revenaient avec leurs souliers souillés, dans des jerseys pleins de l’huile du navire disparu, mon-