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Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/134

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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

trant des mains de soutiers, grasses, charbonneuses, infectes.

Le permissionnaire français ne put s’empêcher de dire :

— Ça les a guère lavés, les gars, d’faire la trempette !

Seulement, il ne remarqua pas qu’ils étaient rasés, oui, rasés de frais, l’essentiel pour des citoyens d’outre-mer. On eût fait le tour du bateau pour ne pas les frôler ; dans l’extase de leur ivresse ils embrassaient le plancher ; bref, ils paraissaient abjects, ces pochards, mais ils étaient rasés comme pour dîner avec des dames, et pour eux c’était à la fois une marque de bonne tenue suffisante, et la certitude qu’une malchance nouvelle ne leur arriverait pas.

— Superbe, ce détail, se dit Barbet. Il faut que je note ça !

Sa note fut courte. On était en pleine mer : il s’agissait d’avoir l’œil.

Il est’vrai qu’on semblait bien gardé. Le bateau était escorté de deux destroyers qui tournaient autour de lui, et, derrière, s’en venaient tranquillement des bateaux-hôpitaux, tout blancs, sérieux, sans peur et sans reproche.

Peut-être à cause de cette sécurité, les Anglais