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Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/190

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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

sante machine, au milieu de ces hommes qui la consolident et de ces femmes qui l’embellissent, on a de l’hébétement, on se perd. La vapeur des machines emplit l’air, les moteurs électriques l’énervent, on est environné de forces surhumaines, mais ce sont des mains d’hommes qui en disposent, qui les domptent et les règlent. On voit des grappes d’ouvriers balancés à des échelles de corde ; d’autres qui rampent pour raboter le plancher. C’est un effort prodigieux en tous sens. Alors la tête s’échauffe et s’étourdit. Et M. John Pipe s’échappa, le cœur troublé par ce grand travail de guerre, où il y avait déjà la fièvre d’une bataille.

Dehors, comme l’air lui parut léger ! Des mouettes tournaient et planaient sur ce grand vaisseau, ayant l’air de le presser de partir. Dans leurs ailes blanches, elles lui apportaient l’air de la mer qui, tout près, l’attendait. Et tandis que Barbet demandait la force des machines et commençait ainsi : « Le dernier que j’ai visité en France… » M. John Pipe pensait qu’à ce grand navire il ne manquait qu’un oriflamme en haut des mâts. Alors il quittera le bassin trop petit, dont l’eau terne paraît lasse de l’avoir soutenu pendant des mois. Il partira, robuste et bien au