Aller au contenu

Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
209
LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

— Ah ! dit Barbet lyrique, quelques dépouilles de ces Barbares !

Puis il profita de l’occasion pour poser une question qui le démangeait et qui, là, était en situation, puisqu’il se trouvait parmi des marins combattants.

— Mon commandant, dites-moi, est-ce que le Deutschland a bien été pris par les Anglais ?

Le Deutschland c’était ce grand sous-marin ravitailleur allemand, dont la presse française n’a cessé de dire pendant quinze jours : « Il est pris ! Les Anglais le tiennent ! » pour imprimer ensuite pendant quinze autres jours que les boches se targuaient auprès des neutres de l’avoir dans leurs eaux. Barbet se disait donc : « Me voici à la vraie source. Je rapporterai un tuyau sûr… je ferai un article. » Bref, sa question était une interwiew, et il guettait la physionomie du Commodore ; il allait savoir, le temps que l’autre rassemblât quelques détails précis. Mais le Commodore regarda Barbet avec une stupeur inquiète, comme s’il était impressionné soudain de découvrir chez un homme qu’il supposait intelligent une vraie médiocrité : puis, en chef qui ne perd pas son temps à des potins, qui ne les comprend pas, qui ne s’y intéresse jamais et qui a bien assez