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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

— Dieu soit loué ! Merci. Que l’Angleterre est grande !

Cette usine, pour Barbet, était une révélation. De telles ouvrières embellissaient l’industrie. Il pensait à M. John Pipe et se disait :

— Pourquoi n’est-il pas venu, cette tête de mule ? Il le fait exprès, il ne veut pas voir. Sacré type, va !

Et il admirait encore ces femmes autour de leurs machines puissantes ou précises ; il les trouva délurées et pleines d’ardeur.

— Monsieur, dit-il au patron, une usine c’est laid, d’ordinaire ; mais la vôtre est remplie par le soleil de cette jeunesse.

Que de détails lui paraissaient charmants ! Toutes ces jeunes femmes tournaient de gros obus, mais avaient des fossettes aux joues. On les voyait les mains dans la graisse, mais le cou sortait d’un col de broderie fine, et elles regardaient sans effronterie, avec assurance, comme des femmes gentilles et contentes. — Ce vieux patron avait bien raison de frétiller et d’être heureux, et certes, il était laid, et ses lunettes étaient si sales qu’il voyait peut-être derrière, mais que Barbet, lui, ne pouvait voir ses yeux. N’importe : il l’admirait ; et l’autre bégayait ainsi son contentement :