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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

ils la reconduisaient ; ils essayaient de faire bonne contenance, par de pauvres sourires, autant de grimaces sans habileté ; tout à coup, la mère prit sa petite, qui était maigre, jaune et mal affublée, mais qu’elle trouvait sans doute pleine de gentillesse et de bon goût avec son cœur de mère qui l’avait élevée et embrassée pendant vingt ans, et lui donnant des baisers partout, faisant tomber son chapeau, bousculant sa figure en une minute de désespoir que sa retenue avait aggravé, elle lui dit à travers deux sanglots :

— Petite… je t’en supplie, ne te fais pas torpiller !

Et la petite promit :

— Maman, sois tranquille.

C’est le père qui les sépara. Il était aussi malheureux que sa femme, raide et rouge de chagrin, mais il ne pleurait pas, et il lui dit après avoir serré sa fille :

— Viens-t’en, ma bonne…

Il la prit par la main. Il marchait comme un automate ; la vieille se laissait tirer, se retournait, faisait des signes, et quand ils eurent disparu, Barbet et M. John Pipe virent la petite, monter dans son wagon, s’affaler sur la banquette et pleurer dans ses mains. Ses mains cachaient