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Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/48

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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

avait l’air de rager, puis s’élançait, et dans un grondement, dépassait des camions chargés de rondins, lourds de vivres, bondés de fourrage, monstrueux et assourdissants, parmi lesquels le chauffeur se jouait, glissait, insinuant, narquois, — un singe sur une machine. Il effara des cavaliers indiens, il éclaboussa un motocycliste écossais qui s’embourba, s’enterra, et resta là, figé, immobile ; il réduisit des artilleurs et leurs pièces à s’écraser dans un fossé pour que lui eût la route libre ; et il emporta le major et Barbet vers la bataille par bonds fantastiques, que son adresse rendit presque moelleux.

— Ce petit, dit Barbet, est un prodige. On a l’impression, avec lui, de vivre un conte de fée.

— Ah ! yes, fit James Pipe, qui se sentait content de son compagnon de voyage.

Barbet, à vrai dire, prenait, pour tout énoncer, un air solennel ou rusé, qui était nouveau pour le major James Pipe, et celui-ci, en Anglais peu constructeur d’idées, s’émerveillait de cette facilité à penser et à s’exprimer. Est-ce que l’autre se sentit admiré ? Bref, il se lança dans un nouveau genre de remarques.

Il déclara qu’en tant que Français et Parisien, il était stupéfait du silence de tous ces chauffeurs