Page:Benjamin - Le Pacha, paru dans Les Annales politiques et littéraires, 3 et 10 août 1924.djvu/53

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Scène V

Marinette, allant d’une porte à l’autre en se frottant les mains. — La vie est tordante ! (Mme Hamelin paraît à la seconde porte.) Bonjour, maman !

Mme Hamelin, surprise. — Ah !… Ah ! vous voilà, vous ! (Elle ferme bien vite la porte derrière elle.) Eh bien ! ma petite Marinette vous me renversez !

Marinette. — Au figuré ?

Mme Hamelin. — Positivement ! Vous n’avez plus de bonne. Votre intérieur est sens dessus dessous. Et vous allez faire un tour, en laissant votre mari se débrouiller ?

Marinette, faisant mine de pleurnicher. — Oh ! le pauvre homme ! qu’il est malheureux !

Mme Hamelin. — En tout cas, il n’est pas très heureux, dites donc ! Il est surchargé de travail et il lui faut se lever tout le temps pour ouvrir à des serruriers !

Marinette. — C’est vrai, la prochaine fois, je donnerai la clé au serrurier.

Mme Hamelin. — La prochaine fois, vous ferez mieux de rester chez vous pour surveiller votre ménage, ma petite Marinette… On n’a pas sonné ?… Non… Nous deux Suzanne, depuis une demi-heure, nous n’arrêtons pas !

Marinette. — Oh ! que vous m’amusez !

Mme Hamelin, un peu vexée. — C’est ce que je déplore ! Votre tante, qui vous a élevée, est une excellente femme, mais elle manque de jugement… Je vous jure que si ma fille avait vos idées…

Marinette. — Mais voyons, maman, avant mon mariage, vous étiez la première à me dire : « Bravo ! ne vous assommez donc pas dans l’existence ! »

Mme Hamelin, sautant. — Je disais ça parce que je suis une femme fatiguée et qu’à mon âge… Mais vous, à vingt ans !…