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LES PLAISIRS DU HASARD


Non, ce n’est pas tout. Le fils, ce cher garçon à l’innocent visage, m’a dit il y a dix minutes (j’ai les mots dans l’oreille) : « C’est une petite fille bien consciencieuse… » Et je l’écoutais avec attendrissement ! (Il s’assied, rageur) Oh ! là !

Jacqueline, pleurant. — Ah !… le Monsieur qu’a cassé ma poupée !…

Emmanuel. — Allons, allons, ne pleurez pas.

Jacqueline. — Ma poupée !…

Emmanuel. — Je vous en paierai une autre.

Jacqueline. — Ma belle poupée !…

Emmanuel. — Entendez-vous, mon chou, mon amour ?

Jacqueline. — Hi ! Hi ! Ma poupée est cassée !

Emmanuel. — Ne hurlez pas, je vous en donnerai deux autres… Comme je ne remettrai pas les pieds dans la maison !

Jacqueline. — Veux pas qu’on me touche !

Emmanuel. — Elle est bien de la famille… Petit poison !… Elle était complice, parbleu !… Tenez. Vous pouvez la reprendre la tête de votre poupée… je les casse mais ne les garde pas !

Jacqueline. — N’en veux plus. Hi ! Hi ! Hi !

(Elle se sauve.)

Emmanuel, la tête de la poupée dans la main. — C’est déjà femme ! La fuite dans les larmes, et l’homme qui reste penaud… Oui, penaud, quoique au fond ce soit pour eux une réussite sans élégance… C’est gros ; c’est bourgeois. Je me rappelle maintenant : le Docteur m’avait averti :