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LA GUERRE DES IROQUOIS

mots, placés à la tête d’une rivière : Ici était autrefois la nation Neutre. En défrichant le sol dans cette localité, on a trouvé sur l’étendue d’une ferme ordinaire, huit cents casse-têtes,[1] laissés là probablement à la suite d’une bataille où les gens de l’endroit auraient eu le dessous, puisqu’il n’est resté personne pour ramasser ces armes. La rivière en question va tomber au lac Érié vers son embouchure, non loin de Saint-Thomas, comté d’Elgin, il a été découvert des vestiges abondants et curieux d’un village, ou même, croit-on, de la « capitale » du peuple Neutre. Les missions ou chapelles les plus importantes que les jésuites établiront jusqu’à 160 dans le territoire de cette nation se nommaient Notre-Dame-des-Anges, près Brantford, Saint-Alexis, près Saint-Thomas, Saint-Joseph, dans le comté de Kent, Saint-Michel, au nord-est de Sarnia, et Saint-François, un peu à l’est de Sandwich ; il y avait en outre quatre ou cinq villages de Neutres de l’autre côté de la rivière Détroit, sur le sol actuel des États-Unis.[2]

La conquête en règle du Haut-Canada commença par une attaque des Iroquois contre les Neutres, de manière à effrayer ceux-ci et à les contenir tandis que, par la suite, les Hurons seraient envahis à leur tour. De fait l’écrasement final des Neutres n’eut lieu qu’en 1650, après la défaite totale des Hurons. Le génie des Iroquois leur dicta, à partir de 1639-40, un plan d’opérations comparable à celui qui s’empara de Napoléon en 1805. Subjuguer, les unes après les autres, les races qui les entouraient et traiter comme des quantités négligeable, les établissements des Français, des Hollandais, etc., devint leur politique visible, et ils la poursuivirent sans relâche durant un quart de siècle, c’est-à-dire jusqu’à l’arrivée du régiment de Carignan.

Charlevoix, commentant la situation dit : « Les Iroquois assurés d’être soutenus des Hollandais qui leur fournissaient des armes et des munitions et à qui ils vendaient les pelleteries qu’ils enlevaient à nos alliés, continuaient leurs courses et leurs brigandages. Les rivières et les lacs étaient infestés de leurs partis ; le commerce ne pouvait plus se faire sans de grands risques. Les Hurons, soit par indolence, soit par la crainte d’irriter un ennemi qui avait pris sur eux une supériorité qu’ils ne pouvaient plus se dissimuler, soit enfin qu’ils ne fussent point encore persuadés que les Iroquois en voulaient à toute la nation, laissaient désoler leurs frontières, sans prendre aucune mesure pour éteindre un incendie qui les environnait de toutes parts. » Le frère Sagard (1625) nomme les Hurons Houandates, dont on a fait Owendat, Wyandots et Yandots. Ils habitaient entre les baies Matchedash et Notawasaga, et la rivière Severn et le lac Simcoe. Leurs cultures consistaient en citrouilles, blé d’Inde, fèves, tabac, chanvre. Voici les noms de leurs quatre principales tribus : l’Ours (Antigouantans), le Loup

  1. Voir les ouvrages de M. David Boyle sur les Sauvages du Haut-Canada.
  2. Voir The Coutry of the Neutrals, par Janes H. Coyne, St-Thomas, 1895.