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LA GUERRE DES IROQUOIS

Les Iroquois avaient donc devant eux leurs anciens ennemis doublés d’Européens accapareurs, comme ils avaient derrière eux d’autres hommes de race blanche prêts à tout envahir. Ils décidèrent d’employer la diplomatie afin de n’être pas serrés entre ces deux influences et de les exploiter à leur profit. De ce plan, qui fut poursuivi avec une ténacité et une adresse rares, naquit la guerre permanente contre les Hurons et les Français, non pas la guerre de 1600 à 1630, consistant en une ou deux maraudes d’Agniers chaque année ou tous les deux ou trois ans, mais une suite d’opérations calculées d’avance et visant à un but unique à double effet : contenir les Européens, agrandir la domination des Iroquois. Cette conception « nationale » est digne du génie des Romains.

N’oublions pas les Sokokis, de la rivière Connecticut, et les, Loups (Mahingans, Mohicans), des deux rives de l’Hudson, gens de langue algonquine, ennemis des Iroquois, mais que ceux-ci battirent complètement sous les yeux des Hollandais, de manière à tenir ces deux peuples sauvages sous leur dépendance. De fait, à partir de 1630, on trouve les Sokokis et les Loups naturalisés Iroquois.

En regardant autour d’eux les Iroquois pouvaient voir dans le Maine les Abénakis, dans le Bas-Canada les Algonquins, puis les Iroquets, les Hurons, les Neutres, les Petuneux, les Mascoutins, les Eriés, les Andastes. Il s’agissait, pour exécuter leur plan, de détruire toutes ces nations les unes après les autres ou les unes par les autres.

L’impéritie du gouvernement français ne mit que peu ou point d’obstacles à son exécution. Quant aux Anglais, Suédois et Hollandais, ils recueillaient des bénéfices du triomphe de nos ennemis, parce que le commerce des fourrures passait ainsi de leur côté sans sacrifice de leur part.

Les Français qui allaient faire la traite dans le Haut-Canada n’y séjournaient pas longtemps chaque fois et les Iroquois le savaient bien. Il n’y avait à craindre que les Hurons et, pour ce qui est des six ou huit robes noires " qui demeuraient tout à fait dans la contrée, on les prenait pour les principaux commerçants français — les premiers qu’il fallait détruire. Ce fut là tout le mobile de l’Iroquois dans son acharnement à poursuivre les missionnaires, car d’idée de religion il n’eut jamais, et il n’a à cela absolument rien compris. On a prétendu que le diable inspirait à ces Sauvages la haine du christianisme ; cela est possible, mais nous n’avons aucun moyen de nous en assurer. L’Iroquois étant un être tout matériel ne se trompait pas sur ses intérêts immédiats en ce bas monde ; c’est pourquoi, voulant prendre du castor, il anéantit les Hurons qui le gênaient et enveloppa dans sa vengeance les hommes blancs qui favorisaient ses ennemis héréditaires. Les apôtres de Jésus-Christ n’eussent probablement pas été inquiétés si les commerçants de fourrures n’avaient pas vécu à leurs côtés.

Au mois d’août 1635, Champlain s’adressant au cardinal de Richelieu, insistait sur la nécessité de restreindre par la force les courses désastreuses