Page:Benoit L Atlantide.djvu/239

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« C’est là que nous tressions de belles guirlandes, avec des mimosas, des fleurs roses de câprier et des nigelles blanches. On les jetait ensuite aux eaux vertes, pour conjurer le mauvais sort, et nous riions comme de petites folles lorsqu’un hippopotame sortait en reniflant sa bonne grosse tête mafflue, à le bombarder sans méchanceté jusqu’à ce qu’il replongeât au milieu d’une pluie d’écume.

« Cela, c’était pour le matin. Puis s’étendait sur Gâo grésillant la mort de la rouge sieste. Puis, quand elle était finie, nous retournions au bord du fleuve, pour voir, parmi les nuées de moustiques et d’éphémères, les énormes caïmans blindés de bronze s’élever petit à petit sur les berges et s’enliser traîtreusement dans les boues jaunes des marigots mitoyens.

« Alors, nous les bombardions encore, comme les hippopotames du matin, et, pour fêter le soleil qui était en train de décroître derrière les branches noires des douldouls, nous faisions, frappant des pieds, puis des mains, la ronde rituelle, en chantant l’hymne sonrhaï.

« Telles étaient nos occupations ordinaires de petites filles libres. Mais tu te tromperais cependant à nous croire uniquement frivoles, et je te raconterai, si tu veux, comment, moi qui te parle, j’ai sauvé un chef français, qui devait être beaucoup plus que toi, à en juger par le nombre des rubans dorés qu’il avait sur ses manches blanches.