Page:Benoit L Atlantide.djvu/238

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ses belles histoires, parmi lesquelles celle qu’elle jugeait la plus belle, l’histoire de sa vie.

Ce n’est que plus tard, tout d’un coup, que je me suis rendu compte à quel point cette petite barbare avait pénétré dans la mienne. Où que tu sois à l’heure actuelle, chère petite fille, quel que soit le rivage apaisé d’où tu assistes à ma tragédie, jette un regard sur ton ami, pardonne-lui de ne t’avoir pas accordé, de prime abord, l’attention que tu méritais tant.

— Je garde de mes années enfantines, — disait-elle, — l’image d’un jeune et rose soleil montant, parmi les buées matinales, sur un grand fleuve roulant par larges ondes lisses, le fleuve qui a de l’eau, le Niger. C’était… Mais tu ne m’écoutes pas.

— Je t’écoute, je te le jure, petite Tanit-Zerga.

— Vraiment, je ne t’ennuie pas ? Tu veux que je parle ?

— Parle, Tanit-Zerga, parle.

— Eh bien, avec mes petites compagnes, pour lesquelles j’étais très bonne, nous jouions au bord du fleuve qui a de l’eau, sous les jujubiers, frères du zeg-zeg, dont les épines ensanglantèrent la tête de votre prophète, et que nous appelons l’arbre du paradis, parce que c’est sous lui, a dit notre prophète à nous, que les élus du paradis feront leur séjour[1], et qui est parfois si grand, si grand, qu’un cavalier ne peut, en un siècle, traverser l’ombre qu’il projette.

  1. Coran, chapitre 66, verset 17 (Note de M. Leroux).