Page:Benoit L Atlantide.djvu/270

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de tuer dans un instant l’instigatrice du meurtre m’eût permis d’évoquer avec placidité ses farouches détails.

Si je réfléchissais à mon acte, c’était pour m’en étonner, non pour me condamner.

« Eh quoi ! me disais-je, ce Morhange, qui a été un enfant, qui, comme tous les autres, a coûté tant de peines à sa mère, lors de ses maladies de bébé, c’est moi qui l’ai tué. C’est moi qui ai tranché cette vie, qui ai réduit à néant ce monument d’amour, de larmes, d’embûches surmontées qu’est une existence humaine. Vraiment, quelle extraordinaire aventure !  »

C’était tout. Ni crainte, ni remords, ni cette horreur shakespearienne consécutive au meurtre et qui fait qu’aujourd’hui, sceptique pourtant, et blasé, et désabusé plus qu’on ne peut l’être, je me prends tout à coup à frémir si je suis seul, la nuit, dans une chambre obscure.

« Allons, pensai-je, il est l’heure. Il faut en finir. »

Je ramassai le poignard et, avant de le remettre dans ma poche, je fis le geste de frapper. Tout allait bien. La poignée était assurée dans ma main.

Je n’avais jamais fait le chemin des appartements d’Antinéa que guidé, la première fois par le Targui blanc, la seconde par le guépard. Je le retrouvai néanmoins sans aucune peine. Un peu avant de parvenir à la porte à rosace lumineuse, je rencontrai un Targui.

— Laisse-moi passer, — ordonnai-je, — Ta maîtresse m’a fait appeler.