Page:Benoit L Atlantide.djvu/309

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m’avoir ainsi conduit à ne plus songer ni à Morhange, ni à son crime, triomphe de sentir qu’il était parvenu à m’inoculer sa folie.

— Elle, — dit-il, — elle. Depuis six ans, je ne sais plus rien d’elle. Mais je la vois, je lui parle. Je songe à l’instant où je paraîtrai de nouveau en sa présence… Je me jetterai à ses pieds, et lui dirai seulement : « Pardonne, j’ai pu m’insurger sous ta loi. Je n’ai pas compris. Maintenant, je sais, et, tu vois, comme le lieutenant Ghiberti, je reviens. »

« Famille, honneur, patrie, disait le vieux Le Mesge, vous oublierez tout pour elle. » Le vieux Le Mesge est un homme stupide, mais il parlait par expérience. Il savait ce qu’avait pesé, devant Antinéa, la volonté des cinquante fantômes de la salle de marbre rouge.

« Et maintenant, me diras-tu à ton tour, cette femme, qu’est-elle au juste ? » Le sais-je bien moi-même ? Et d’ailleurs, que m’importe ! Que m’importe son passé et le mystère de ses origines, qu’elle soit la descendante avérée du Dieu des Mers et des sublimes Lagides, ou la bâtarde d’un ivrogne polonais et d’une fille du quartier Marbeuf.

Ces détails ont pu, à l’époque où j’eus la faiblesse d’être jaloux de Morhange, intéresser le ridicule amour-propre que les gens civilisés mêlent sans cesse aux choses de la passion. Mais j’ai tenu dans mes bras le corps d’Antinéa. Je ne veux plus rien savoir d’autre, ni si les champs fleurissent, ni ce qu’il adviendra du simulacre humain.

Je ne veux pas le savoir. Ou plutôt c’est parce