Page:Benoit L Atlantide.djvu/39

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en songeant que cette terre se prolonge des milliers et des milliers de lieues… J’étais presque un enfant, j’avais de l’argent. J’étais en avance. J’aurais pu rester trois ou quatre jours à Alger, à m’amuser. Eh bien, le soir même, je prenais le train pour Berrouaghia.

« Là, à cent kilomètres à peine d’Alger, plus de voie ferrée. En droite ligne, on ne rencontrera la première qu’au Cap. La diligence voyage de nuit, à cause de la chaleur. Dans les côtes, je descendais et marchais à côté de la voiture, m’efforçant de goûter, dans cette nouvelle atmosphère, le baiser avant-coureur du désert.

« Vers minuit, à Camp des Zouaves, qui est un humble poste sur la route en remblai, dominant une vallée desséchée d’où montent les fiévreux parfums des lauriers roses, on relaya. Il y avait là une troupe de joyeux et de disciplinaires, conduite par des tirailleurs et des tringlots vers les tas de cailloux du Sud. Les uns, suppôts des geôles d’Alger et de Douéra, en uniforme, sans arme, naturellement ; les autres, en civil — quels civils ! les recrues de l’année, les jeunes souteneurs de la Chapelle et de la Goutte-d’Or.

« Ils repartirent avant nous. Puis, la diligence les rattrapa. De loin, je vis, dans une flaque de lune, sur la route jaune, la masse noire et égrenée du convoi. Puis, j’entendis une mélopée sourde, les misérables chantaient. Un, d’une voix triste