Page:Benoit L Atlantide.djvu/38

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que je la regrettai. Je songeai au récit de Châtelain, au cercle des officiers de Sfax où l’on évitait, comme la peste, toute conversation susceptible d’aiguiller les pensées vers certaine mission Morhange-Saint-Avit.

Heureusement, je vis que mon camarade n’avait pas écouté. Ses yeux brillants étaient ailleurs.

— Quelle a été ta première garnison ? — demanda-t-il brusquement.

— Auxonne.

Il eut un rire saccadé.

— Auxonne. Côte-d’Or. Arrondissement de Dijon, six mille habitants, chemin de fer P.-L.-M. L’école de peloton et les revues de détail. La femme du chef d’escadron qui reçoit le jeudi, et celle du capitaine adjudant-major le samedi. Les permissions du dimanche : le premier du mois, à Paris ; les trois autres, à Dijon. Cela m’explique ton jugement sur Flatters.

« À moi, mon cher, ma première garnison a été Boghar. C’est là que je suis débarqué un matin d’octobre, sous-lieutenant de vingt ans au 1er bataillon d’Afrique, avec sur ma manche noire le galon blanc… « Les tripes au soleil », comme disent les bagnards en parlant des insignes de leurs gradés. Boghar !… Deux jours plus tôt, du pont du paquebot, j’avais commencé à apercevoir la terre d’Afrique. Je les plains, ceux qui, lorsqu’ils voient pour la première fois les pâles rochers, ne sentent pas un grand coup à leur cœur