Page:Benserade - Cléopâtre, 1636.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
5
De Bensseradde.

140Je n’ay plus rien en moy qui vous puiſſe ravir,
Nud, delaiſsé, trahy, n’ayant plus rien d’illuſtre,
Et mon peu de mérite ayant perdu ſon luſtre,
Autrefois j’eſtois Prince, et ma condition
Meloit dans mes deffaux quelque perfection,
145Maintenant que je ſuis ſans ſupport, & ſans aide,
Privé de mes grandeurs, aimez qui les poſſede,
Que vos yeux ſur Ceſar faſſent un doux effort,
Et qu’il ſoit bienheureux, pourvu que je ſois mort,
Que mon bien ſoit pour luy, faites qu’il en herite,
150S’il n’a pas tant d’amour il a plus de merite,
Son bonheur, et le mien naiſtra de mon trepas,
Il vous poſſedera, je ne le verray pas.

Cleopatre.

Es-tu las de ma vie, et quand je ſerai morte
Verras-tu mieux, cruel, l’amour que je te porte ?
155Contre nos ennemis iray-je me jetter ?
Suivray-je le deſſein que je te veux oſter ?
Tu verras ſi je t’ayme, & ſi je te reſpecte,
Ouy je veux ceſſer d’eſtre, ou de t’eſtre ſuspecte.

Antoine.

Vive, et que le Ciel change vos maux en biens,
160Que vos jours ſoient heureux, et plus longs que les miens.