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De Bensseradde.

Je n’ay ſceu l’accident que par la voix commune
Qui ne penetre pas une telle infortune.

Dircet.

Sans hommes, ſans vaiſ‍ſeaux, ſans armes, & ſans biens,
1140Attaqué par vos gens, & trahy par les ſ‍iens
Antoine retourné dans la ville aſ‍ſervie
Conſultoit les moyens de s’arracher la vie,
Quand un homme ſurvint au fort de ſes malheurs
Du trépas de la Reine augmenter ſes douleurs,
1145Ce rapport le ſaiſ‍it avec violence,
Et ſon étonnement ſe voit dans ſon ſilence,
Il marche, puis s’arreſ‍te, & refaiſant un pas
Il pallit, veut pleurer, mais il ne pleure pas :
Nous autres gemiſ‍ſons, ſa conſ‍tance reſiſ‍te,
1150Et de toute la troupe il paroiſ‍t le moins triſ‍te.
Je m’es‍tonnois, dit-il, que le Ciel rigoureux
Me laiſ‍ſaſ‍t Cleopatre, & me fit malheureux,
Mais quoy qu’à nos amours il ſe monſ‍tre barbare,
La mort nous rejoindra puis qu’elle nous ſepare,
1155Si ce n’eſ‍t mon honneur du moins ceſ‍t mon repos,
Je te ſuivray, mon cœur, ce ſont ſes propres mots ;
Voulant mal à ſes jours, il veut du bien aux noſ‍tres,
Il nous embraße tous les uns apres les autres,