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LA MORT D’ACHILLE.

Mais ſi voſtre bonté me donne l’aſſeurance
Qu’elles eſbranleront cette rude conſtance,
Ces pleurs dont j’entretiens la memoire d’Hector,
Ces deux fleuves taris pourront couler encor ;
Perdez cette rigueur où peu de vertu brille,
Et qu’Achille une fois ſoit vaincu d’une fille,
Que l’animoſité mette les armes bas,
« C’eſt gloire de ſe rendre aux injuſtes combats. »
Que voſtre paßion ne vous ſoit plus contraire,
Que voſtre ennemi mort, ce miſerable frere
Ait un ſepulchre ailleurs qu’au ſein de ſes parents,
Helas voyez mes pleurs !

Achille.

Helas voyez mes pleurs ! Je me rends, & le rends ;
Vos larmes ont eſteint ma vengeance enflammée,
Ce que n’auroit pas fait le pouvoir d’une armée,
« Une ſimple douceur calme nos paßions,
Et des humilitez ont vaincu les lions. »
Madame, l’equité veut que je vous le rende,
Oüy vous avez de moy plus que voſtre demande,
Eſſuyez donc ces pleurs qui font un tel effort,
Il n’en falloit pas tant pour obtenir un mort :
Je recognois ma faute, & je voudrois, Madame,
En vous rendant ce corps l’animer de mon ame.