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STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES.


S’il m’eût fallu partir, et me quitter moy-même,
Un bien plus violent transport
Eût agi sur mon âme avecque plus d’effort ;
Les yeux mouillez, et le teint blême,
Vous m’eussiez vu transi d’une douleur extrême,
Et sur ma lévre enfin vôtre baiser fût mort.

Mon cœur désespéré d’une si rude atteinte,
N’eût pas sçu trouver un milieu
Entre perdre la vie, et sortir de ce lieu ;
Et même, à travers de ma plainte,
Vous deviez bien juger que ce n’étoit que teinte,
Puisque j’étois vivant quand je vous dis adieu.

Cruelle, à quel dessein tâchiez-vous de combattre
Une si subtile action ?
J’ay pris ce seul baiser avec discrétion.
Et voudrois en avoir pris quatre ;
Toûjours seroit-ce autant que vous pourriez rabattre
Sur ce que vous devez à mon affection.

Je voulois vous baiser, sans que d’un front sévère
Vôtre rigueur vînt à couper
L’agréable dessein que j’eus de l’attrapper,