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STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES.


Ce cœur, ce fort puissant, si pressé qu’il pût être,
Soûtenoit mes assauts d’une si vive ardeur,
Que, sans capituler avecque sa pudeur.
Je n’en aurois pas été maître.

Et cette cruauté qu’à la fin je surmonte
Eût toûjours tenu bon, si je n’eusse promis
De laisser dans ce cœur deux de mes ennemis.
Et sa modestie, et sa honte.

Qu’aurois-je à désirer au comble de ma gloire,
Si ma bonne fortune avoit continué,
Ou si trop de vertu n’avoit diminué
L’avantage de ma victoire ?

Mais sur un seul dessein l’ambition se fonde ;
La foule de projets ne fait que nous charger :
Il faut prendre une ville avant que de songer
À la prise de tout le monde.

C’est beaucoup, si l’objet que mon âme idolâtre
Sous mon heureux pouvoir se confesse abattu :
Ma maîtresse est vaincue, et sa seule vertu
Est ce qui me reste à combattre.