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STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES.


Croyez-vous que mes droits soient moindres que les vôtres ?
Sommes-nous pas chevaux les uns comme les autres ?
Je suis par-dessus vous, et ne m’en prévaus pas :
Les qualitez que j’ay sont moins matérielles,
Et quand ce ne seroit qu’à cause de mes aîles,
Je doy loger en haut, si vous logez en bas.

Ne nous reprochons rien, vous portez le monarque,
Et pour vous en effet c’est une illustre marque ;
Mais, à n’en point mentir, mon sort est aussi bon :
Vous marchez terre à terre en des routes connuës,
Moy d’un rapide vol je traverse les nuës,
Et porte dans le ciel sa louange et son nom.

D’autres que moy verroient leurs forces étouffées
Sous ce pesant amas d’armes et de trophées
Qui le rendent par tout redoutable aujourd’huy ;
C’est aussi pour mon dos une charge assez forte :
En ce grand équipage il faut que je le porte
Dans la postérité bien loin derrière luy.

Combien j’ay veu de fois naître et mourir les roses,
Depuis que je luy vay quérir les belles choses
Dont il veut chaque hyver enrichir son ballet ;