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STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES.


Et quand j’ay comme il faut galoppé pour sa gloire,
Pour une pauvre fois qu’on m’aura mené boire,
Tout le reste du temps on me laisse au filet.

JULES, qui pour l’Estat se donna tant de peine,
Voulut aussi régler mon foin et mon avoine ;
Luy-même descendit jusqu’à ce dernier soin,
Mais il prit par malheur un râtelier pour l’autre,
Et quittant un païs aussi doux que le nôtre,
Partit et me laissa sans avoine et sans foin.

Je n’aurois maintenant pauvreté ni tristesse,
N’étoit qu’un bon coureur, me passant de vitesse,
A pris ma portion que je luy voy manger ;
Dedans la paille fraîche il se vautre, il s’y plonge,
Couché sur ma litière, et tandis qu’il me ronge,
Malheureux, je n’ay rien que mon frein à ronger.

J’habite un beau palais, qui n’a point de modèle,
Si c’est enchantement ou chose naturelle,
C’est où les spectateurs demeurent en suspens :
Il est peint, ajusté, poly, galant, honnête ;
Tout y plaît, tout y charme, et rien n’y sent la bête
Que de l’avoir fait faire à mes propres dépens.