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DÉONTOLOGIE.

Tous les partis, quelles que soient leurs opinions morales ou religieuses, s’accordent, d’une voix unanime, à reconnaître à l’homme d’état le droit de tendre vers ce but.

Cela étant, il serait étrange qu'on trouvât bon que le moraliste et l’homme de la religion eussent un but différent ; car s’il en était ainsi, si ces derniers poursuivaient un but différent et même opposé, si le moraliste et le prêtre se proposaient des résultats contraires à ceux que se propose l’homme d’état, ils seraient vis-à-vis l’un de l’autre dans un état de guerre permanent et universel. Chacun d’eux serait réduit, dans l’intérêt de sa sécurité, et de l’objet qu’il a en vue, de combattre les deux autres avec toutes les armes dont il peut disposer. Le prêtre dénoncerait son antagoniste à la vengeance du tribunal divin ; il imaginerait ou fabriquerait les décrets du ciel, et s’efforcerait de les faire exécuter par ses auditeurs. Le moraliste, s’érigeant en arbitre de la morale ou du sens commun, comme quelques uns affectent de le désigner, fulminerait ses anathèmes ; il infligerait à son ennemi les épithètes d’ignorant, de scélérat, d’hypocrite, d’insensé, et engagerait ses auditeurs à le traiter comme tel. L’homme politique, à son tour, s’il se sentait incommodé par ce feu croisé, serait