Page:Bentzon - Le Roman d’un muet, 1868.djvu/20

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tence, et je lui en demandai pardon du geste. Avec la perception vive qui se développe chez nous, comme l’ouïe, dit-on, chez les aveugles, et qui devient une faculté surnaturelle équivalant à la seconde vue, je devinai que ma pantomime lui avait été un spectacle fort pénible, car, avant de me tendre la main, il la passa sur ses paupières devenues tout à coup humides. Certes, ce n’étaient pas des larmes de joie ; on ne pouvait les attribuer qu’à la pitié, ou plutôt, hélas ! à une révolte d’orgueil.

Je courbai la tête sous le reproche, comme s’il eût été articulé et que mon oreille eût pu le saisir ; cette langue des yeux, la seule qu’il me fût donné d’entendre, mon père la parla dès notre première entrevue, avec une extrême cruauté.