Page:Bentzon - Le Roman d’un muet, 1868.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autre sorte, je donnai le change aux aspirations dont j’étais tourmentée, en me consacrant tout à elle, et je me jurai de faire servir à éloigner la moindre épine de sa route, tous les instants d’une vie qui, par elle-même, ne pouvait être heureuse. Grâce à cette tâche que je m’imposai, je trouvai la résignation et le contentement dans ce froid mariage, qui pour beaucoup d’autres eût été un enfer. Et ma foi ! devenue libre, je ne me proclamai point heureuse veuve comme madame de Coligny. Mes crêpes noirs furent de bon aloi. Faute d’autre motif, je les aurais portés de regret d’avoir perdu ma chère Lucienne. À peine orpheline, elle me fut enlevée par sa tante, qui la mit au couvent, et je restai seule, sentant ma jeunesse me peser lourdement sur les bras et ne sachant qu’en faire.