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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

bain, tout ce que peuvent exiger le confort et le luxe. Les lampes, les porcelaines, les verreries étaient suspendues de façon à osciller sans danger. L’ensemble parut à Yette vraiment magnifique, à l’exception toutefois des cabines qui ouvraient sur un long corridor, petites et pressées les unes contre les autres comme les cellules d’une ruche d’abeilles. M. de Lorme avait assuré à sa fille l’une des meilleures, qui renfermait deux lits superposés pour elle et sa da, une table de toilette, une banquette, et, attachés au mur, deux gros morceaux de liège dont Yette s’empressa de demander l’usage. Une sorte de maître d’hôtel, qui l’avait introduite, lui répondit en souriant que c’étaient des nageoires au moyen desquelles on se soutenait sur l’eau en cas de naufrage, et M. de Lorme profita, pour s’esquiver, de l’attention mêlée d’une certaine dose d’effroi qu’elle prêtait à cette explication peu rassurante. Quand Yette ne vit plus son père à ses côtés, quand, un coup de canon ayant retenti, elle sentit le navire s’ébranler et partir, une impression d’horreur soudaine s’appesantit sur elle, semblable à celle du condamné qui, absorbé jusque-là par mille détails puérils, est arrivé au pied de l’échafaud sans presque s’en rendre