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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

demment le sens douloureux du cri de la pauvre Yette.

« Vous viendrez me voir à la pension ? dit-elle en tendant vers lui ses bras par la portière.

— Ce serait bien volontiers, mais mon service ne me permet pas d’aller maintenant à Paris. »

Pas même lui, son ami des derniers jours ! Un coup de sifflet retentit, la locomotive souffla, cette rude et franche figure encadrée de favoris-nageoires disparut à ses yeux, comme celle d’un bon génie qui, après tous les autres, l’abandonnait. Une nouvelle connaissance l’attendait, il est vrai, à Paris. En descendant sous la gare, elle vit un monsieur sec et chauve, le paletot boutonné jusqu’au menton, qui, alternativement, ouvrait les portières de tous les wagons comme s’il eût cherché quelqu’un, et regardait sa montre comme un homme qui n’a pas de temps à perdre. C’était M. Darcey le banquier, à qui son père l’avait recommandée. Il ne connaissait pas la pupille qui lui était annoncée ; mais, sachant qu’une négresse l’accompagnait, il lui fut assez facile de la découvrir. Personne parmi les autres voyageurs ne ressemblait à la da, dont le visage et le costume attiraient l’attention de tout le monde.

« Enfin, dit M. Darcey, enfin ! ce maudit train