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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

pour elle un lieu d’exil ; elle ne parlait que des modes de Paris. On l’avait finalement mariée à un habitant de la ville de ses rêves, et maintenant son incurable vanité s’exerçait d’une autre façon. Elle vantait aux Parisiens les séductions de tout ce qui était originaire de la Martinique, se décernant ainsi une louange indirecte, à laquelle son entourage faisait écho par des compliments, cela va sans dire. La flatterie était, avec la toilette, ce qu’elle aimait le plus, mais il est présumable que, intérieurement, les adulateurs se moquaient de ses prétentions, de son indolence et de sa nullité.

L’arrivée de Yette avait défrayé ce jour-là l’entretien souvent languissant ou frivole du vendredi. Mme Darcey s’était répandue sur l’incomparable beauté des enfants créoles, et avait annoncé sa cousine Mlle de Lorme, comme une merveille. Or, la pauvre Yette faisait exception à la règle générale ; bien que créole, elle ne pouvait passer pour vraiment jolie, en aucun temps, et moins encore, après une telle série de fatigues, d’émotions. Quand les visiteurs eurent déclaré qu’elle avait de grands yeux noirs, ils ne trouvèrent plus rien à dire, et Mme Darcey en voulut naturellement à sa petite compatriote de ne pas faire plus d’honneur à elle-même et à la Martinique.