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Page:Bentzon - Yette, histoire d'une jeune créole, 1880.djvu/225

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LES VRAIS CHAGRINS.

compte bien nettement encore du sens de ces paroles qui l’avaient frappée au cœur, mais elle sentait que quelque mal affreux, irréparable, venait de l’atteindre, que sa vie ne pouvait plus jamais être ce qu’elle avait été. Un bourdonnement sourd emplit ses oreilles, elle eut l’impression confuse qu’on l’emportait, qu’on la déposait sur son lit, puis il lui sembla glisser dans un gouffre plein de visions funèbres qu’elle essayait de fuir sans pouvoir y réussir. Un matin, cependant, elle revint à elle en frissonnant et porta la main à sa tête où elle sentait quelque chose de lourd et de douloureux… une compresse de glace. En même temps elle poussa un soupir déchirant… elle se souvenait. Pendant cette période de torpeur dont elle avait à peine conscience, son cerveau s’était pénétré de la cruelle vérité. Elle avait compris que sa mère était morte.

La convalescente qui se releva de ce petit lit d’infirmerie était toute différente de la fillette volontaire et indisciplinée que l’on avait connue. On eût dit, — si ce mot pouvait s’appliquer à un enfant, — que Yette avait vieilli. Sa physionomie était devenue presque grave. Jamais elle ne parlait de sa mère, elle s’était remise à travailler tout de suite, non plus avec une ardeur impatiente

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