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L’HABITATION DU MACOUBA.

du soleil une voûte de daturas embaumés, la famille se dispersait. M. de Lorme allait surveiller les travaux de sa sucrerie ; sa femme s’occupait de l’intérieur, préparait ces liqueurs, ces marmelades que les dames créoles excellent à faire, Yette l’aidait volontiers de ses petites mains agiles ; mais il faut dire qu’elle s’entendait surtout à goûter, et qu’une bonne partie des confitures disparaissaient avant même d’être refroidies. Elle prenait plaisir déjà aux soins de la basse-cour, dont toutes les bêtes la connaissaient et accouraient autour d’elle avec des cris d’attente et de joie.

Elle avait aussi, comme tous les enfants créoles, des animaux qui lui appartenaient en propre, sa vache qu’elle allait voir traire, ses poules dont elle ramassait les œufs. Tantôt une négresse lui apportait un poussin à peine assez gros pour être séparé de sa mère, tantôt un ami de la maison envoyait à Yette une chèvre, un cabri ou un agneau. La da, pour l’engager à les soigner, lui avait raconté l’histoire légendaire de certain œuf donné par un pauvre nègre à une petite fille dont le premier soin fut de le faire couver par une poule. Après l’éclosion, la prudente fillette marqua le nouveau né en lui attachant un fil de couleur à la patte ; grâce à sa vigilance, il réchappa