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LES ADIEUX.

payer ta place sur le bateau… sans compter qu’on ne voudrait pas de toi au pensionnat.

— Moë qué couri ! » répétait machinalement Tom qui était retombé en contemplation devant les deux souliers et les baisait l’un, après l’autre.

Son illusion sur le plaisir d’être chaussé ne dura guère. De même que bien d’autres ambitieux, il vit, en touchant au but, le néant de son désir ; les souliers ne furent portés qu’une fois et avec force grimaces. Jamais singe ne souffrit davantage d’avoir aux pieds des coquilles de noix, mais il ne renonça pas pour cela au plaisir d’afficher une supériorité sur ses camarades. Longtemps après le départ de sa petite maîtresse, on le rencontra partout un soulier à chaque main, et le sobriquet de Tom-Botté lui resta toute sa vie.

Mais Yette n’est pas encore partie, et nous assistons à ses adieux.

« Ah ! dit-elle, vous êtes bien heureux vous autres, vous n’irez jamais en pension ! Allons ! ne sanglotez pas comme ça, petites bêtes ! vous me feriez pleurer aussi, et il ne faut pas ! Nous ne nous quittons pas pour toujours. Je reviendrai et, quand je serai grande, je vous prendrai tous à mon service. Vous n’aurez rien du tout à faire. On dansera du matin au soir. Toi, Mesdélices, je