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Page:Bera - Attendre-esperer - Les Desirs de Marinette.djvu/21

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gnard. Vêtu négligemment d’un habit de coutil presque blanc, coiffé d’un chapeau de paille et tenant à la main une canne d’églantier, tordue par la nature et vernie par l’art, il avait une tournure aisée, élégante. Il portait aussi une magnifique barbe blonde, et, bien que dans son visage rien de fade ni de vulgaire n’eût pu autoriser aucun de ses ennemis à l’appeler un beau garçon, l’harmonie de ses traits flattait le regard, d’autant mieux qu’elle résultait moins de la régularité que d’une expression de bonté, de douceur et d’intelligence. Retenu par cette première impression, toute sympathique, si l’on eût cherché à pénétrer plus avant et à conjecturer sur le caractère de cet inconnu, on eût trouvé dans l’œil bleu, mêlés à l’ardeur des sentiments nobles, les nuages de la rêverie, et l’on eût deviné qu’à l’impressionnabilité du cœur se joignait peut-être cette impressionnabilité de l’esprit qui produit l’indécision.

Il se dirigeait vers la ville, et tous ceux qu’il rencontrait, sur la route d’abord, puis dans les rues, le saluaient comme une connaissance. De la part des hommes du peuple, le salut avait quelque chose d’intime et d’affectueux. Ceux-là, en effet, aiment volontiers dès qu’ils estiment ; on ne les rend humbles que par la défiance et la crainte. Une ou deux fois le jeune homme fut arrêté dans sa marche par des gens qui l’abordèrent. Une femme vint lui