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Page:Bera - Attendre-esperer - Les Desirs de Marinette.djvu/23

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et des nappes d’autel. Elle brode aussi des pantoufles au Capitaine.

Celui-ci, dans sa jeunesse, a pris le Trocadéro. Il n’a point fait d’autre campagne, et, par une bonne foi qui l’honore, il ne raconte que celle-là. Mais, grâce à lui, les Savenaisiens sont devenus si profondément versés dans la science de cet épisode historique, que Mlle Chaussat est la seule dont la complaisance inépuisable en écoute encore le récit. Il est vrai qu’elle a trouvé un moyen merveilleux de supporter cette épreuve et de la faire servir doublement à son salut : dès que le capitaine entame l’exorde bien connu, elle se met à réciter mentalement des Ave Maria pour les indulgences. Et cet arrangement est si bien trouvé que tout y est bénéfice ; car moyennant cette apparence d’attention, Mlle Chaussat a le droit, à son tour, de raconter ses souvenirs de jeunesse au Capitaine.

Ces deux existences, également isolées, se rapprochent encore par la communication réciproque de leurs contrariétés, de leurs rhumatismes, de leurs cauchemars ; ils se racontent le matin leurs rêves et font leur parte de piquet tous les soirs. Mais le plaisir le plus vif assurément qu’ils goûtent ensemble résulte de leurs entretiens sur autrui.

L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de paroles, dit l’Évangile, et ce que l’Évangile n’a pas assez dit, c’est que l’homme est avant tout, malgré