Page:Bera - Double Histoire - Histoire d un fait divers.djvu/38

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rudes témoins. Ce que notre sœur aînée gagnait à la filature nous achetait du pain, Mais nous n’avions du reste ni feu, ni chaussures, ni vêtements ; et encore fallait-il que Marie fût habillée, sans quoi on l’eût chassée de l’atelier. Bien souvent donc il nous fallut mendier, et plus d’une fois le souper manqua.

« Mais il serait trop long de raconter en détail toutes les misères de notre pauvre ménage. À douze ans, moi aussi j’entrai à la filature, grâce à la charité d’une dame qui me donna de vieux vêtements, et il me fallut laisser seuls mes pauvres petits : Ninette et Jeannot. Ce fut le frère alors qui dut les soigner ; mais il n’avait jamais fait que jouer dans la rue avec de mauvais garçons, et ne pensait déjà qu’à devenir grand pour boire et fumer. Ne voyait-il pas le père et les autres ? Où aurait-il pris de meilleures pensées ? Il ne faut pas trop lui en vouloir.

« J’eus donc le chagrin de voir les deux petits se gâter aussi, et apprendre tant de