Page:Bera - Double Histoire - Histoire d un fait divers.djvu/37

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cessé d’aller en journée que depuis trois jours, ne pouvant plus remuer les bras, ni les jambes, et mon père disait que c’était paresse ; et le pain manquait à la maison ! Elle s’éteignit en tirant l’aiguille, et on la trouva penchée sur une de nos loques, dont elle essayait de boucher les trous. De ce moment, notre sort devint si cruel, qu’il fallait bien que nous fussions des enfants pour ne pas maudire la vie.

« Heureusement les petits ne pensaient qu’à vivre, tout bonnement, et moi je ne pensais qu’à les protéger. Du vivant de notre mère, le père se dérangeait, il est vrai, mais seulement le dimanche et le lundi, faisant ses journées le reste de la semaine. Mais, du moment où il vit ne s’en pouvoir tirer, comme il dit, il perdit tout cœur, et se plongea tout à fait dans la débauche. Nous tremblions le soir quand nous entendions son pas lourd et sa voix rauque, et il avait toujours quelque dure parole à nous dire ; notre présence l’irritait, car nous étions pour sa conscience de