Page:Berchoux - La Gastronomie, 1819.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
80
LA GASTRONOMIE,

A l’état d’abandon, de joie et de délire,
A l’oubli de tous maux, que le vin doit produire,
O vous ! qui nous tenez de fort graves discours
Sur l’art et les moyens de filer d’heureux jours,
Qui donnez des conseils dictés par la sagesse,
On ne les suivra point… je conseille l’ivresse.
Cette froide raison dont vous êtes si vains,
Qu’a-t-elle fait encor pour changer vos destins ?
Où sont les heureux fruits des devoirs qu’elle impose ?
Eh ! messieurs, perdez-la, vous perdrez peu de chose.
Avez-vous quelquefois rencontré, vers le soir,
Un brave campagnard regagnant son manoir,
Après avoir à table employé sa journée ?
Sa tête est vacillante et sa jambe avinée.
Il trébuche parfois, mais toujours sans danger ;
Car un Dieu l’accompagne et le doit protéger.
Il s’avance incertain du chemin qu’il doit suivre,
Guidé par la liqueur qui l’échauffe et l’enivre.