Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/136

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tuagénaire, et douce à voir comme une rose sous la neige. Voici, mais sauf la façon exquise, hélas ! comment elle contait le roman vécu du sonnet populaire :

« Quoique jeune encore à cette époque, j’étais mariée depuis quelques années et je bravais de mon mieux le ridicule d’aimer mon mari comme aux premiers jours. C’était un être excellent, à qui la plus légère fût aisément demeurée fidèle. Pour ma part, il réalisait tous mes rêves. Comme il n’avait pas à en douter, du reste, il me laissait le soin de me défendre moi-même, et toute seule, contre les entreprises amoureuses auxquelles la moins coquette est en butte. Je n’oserais pas vous assurer que le moyen est bon pour toutes les femmes « en puissance », comme dit le Code, mais, sur moi, il était le meilleur ; je ne m’en vante, croyez-le bien, ni ne m’en excuse, question de chance à la loterie des caractères.

« On était alors en plein Romantisme, et nous en recevions, dans notre salon, les principaux « ménestrels », style du temps, ou, si vous l’aimez mieux, les Jeune-France. Mon mari les avait connus presque tous sur les bancs, et, quoique simple homme d’affaires, il aimait leur turbulence, leurs échevèlements,