Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/139

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« — Est-ce que tu t’ennuies chez nous ? lui demandait Adolphe.

« — Au contraire… était la réponse, pour moi fort claire.

« L’art d’être honnête femme est plus complexe que l’autre, toutes les vraies filles d’Ève vous le diront. Je me sentais plus flattée que de raison de cette passion muette, qu’en dépit du défi du sonnet j’avais d’instinct devinée. M. Arvers était fort beau, se savait tel et passait pour délibéré dans les conquêtes. Or il était le seul du trio des masques qui n’eût pas dénoué le sien, je veux dire ne se fût pas déclaré, et de cela surtout je commençais à me sentir assez inquiète.

« Le jour où je reçus le sonnet a certainement été le plus tourmenté de ma vie.

« Je vous ai dit, je crois, que mon mari s’en remettait aveuglément à moi de la garde de son honneur conjugal, mais cette fois, la responsabilité me parut si lourde que je dus me débattre contre l’idée de lui montrer la pièce. L’amour s’y exprimait avec une telle vérité, dans sa discrétion éloquente que j’eus peur, oui, peur, je l’avoue…. Aujourd’hui encore, au bout de quarante-cinq années, lorsque j’entends réciter ce Sonnet d’Arvers, dont je fus l’objet dans ma