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Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/138

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posais moi-même d’une voix assez puissante, c’était comme mon privilège de « créer » les nouveautés de M. Hippolyte Monpou, avec qui du reste j’avais suivi les cours de l’illustre professeur Choron. C’est moi, telle que vous me voyez, qui donnai à nos hôtes la primeur de L’Andalouse au sein bruni, dont M. de Musset avait composé le poème, « d’après nature », disait-il, ce qui était une calomnie, relevait gaiement mon cher Adolphe. Mais ce que M. Monpou aimait en moi et de moi c’était la musicienne, et, quand il s’en allait, le soir, loin des oreilles, loin du cœur, je ne durais pas dans ses insomnies d’artiste.

« Il n’en était pas de même pour M. Félix Arvers, et j’étais bien forcée de reconnaître que j’exerçais, bien malgré moi, sur cet ami une attraction plus profonde. Cet homme d’esprit, et il en avait à revendre, ce boulevardier impénitent, dont les mots couraient la ville, ce vaudevilliste abondant en trouvailles de drôleries semblait perdre, sur notre seuil, toutes ses qualités brillantes. Retiré dans les coins de pénombre, immobile, silencieux, il s’effaçait comme volontairement devant ses deux rivaux peu redoutés ni redoutables, et il leur laissait sans lutte l’avantage de la soirée.