Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/147

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proclamé grand politique. Et cependant on se prenait à l’aimer quand on le voyait passer de son pied léger, la tête droite, éclairant tout de son fin sourire, et s’appuyant sur sa belle canne à pomme d’argent. On sentait bien que cette canne-là n’était que pour la forme, et qu’il n’avait pris l’habitude de l’emporter que pour la mettre sous son bras dès qu’il était sorti de la ville. Bien mieux, j’ai toujours gardé, je l’avoue, des doutes tenaces sur la blancheur éblouissante de son épaisse chevelure, et n’était le respect pour une vénérable mémoire, je dirais que les neiges m’en ont souvent paru empruntées. Il est clair pour moi que M. de Frileuse se teignait en blanc, et qu’à la vérité il avait les cheveux les plus audacieusement noirs du monde. Explique qui pourra cette coquetterie toute diplomatique.

Le chevalier n’était pas plus royaliste qu’il n’est permis, mais il tenait extrêmement à son blason, jusque-là sans tache, non par vanité nobiliaire, mais par respect d’héritier responsable. Il se fût appelé Balourdot qu’il en eût été tout à fait de même. Comme il vivait très retiré à cause de son modeste patrimoine, il voyait peu de gens et ne mettait le pied dans les châteaux voisins qu’à de rares exceptions et quand