Aller au contenu

Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pour ton malheur tu n’as pas connu, disait souvent ceci….

Et le chevalier, ayant lentement passé son rasoir sur le cuir, entama en silence le rude poil de son menton, et il interrompit sa confidence. Turc profita de ce laps de temps pour faire quatre sauts à la poursuite d’un gros bourdon bleu qui venait d’entrer par la fenêtre, à cheval sur un rayon de soleil.

— Eh bien, sais-tu, conclut le chevalier en essuyant son rasoir sur un chiffon, que mon père fit jadis insérer dans Le Mercure une satire sur ce sujet, satire qui pour la vigueur et la portée du trait rivalise avec les meilleures productions de ce pauvre Gilbert dont je t’ai raconté la fin déplorable. En voici deux vers que je confie à ta brillante mémoire :

  Non, l’ennui n’est pas né de l’uniformité,
  Mais plutôt des rapports de la société !…

A cette belle citation que le chevalier avait lancée d’une voix sonore, en marquant du rasoir les rimes et les hémistiches, Turc était allé se blottir dans un coin et battait le plancher de sa queue, ce qui est la seule manière qu’aient les chiens d’applaudir et les castors de bâtir.

— Bon ! bon ! modère ton enthousiasme,