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Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/151

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son savon avec le pinceau à barbe dans un petit vase écorné, vois-tu, mon cher, je suis extrêmement ennuyé ce matin, et je vais t’en dire la raison.

Et Turc, campé sur ses jambes de derrière, écoutait son ami avec le plus vif intérêt, la langue hors de la gueule.

— La raison, dis-je, est celle-ci : que je serai obligé de te renvoyer de bonne heure à la maison, parce que je passe la journée chez une dame de la plus haute naissance, qui joint à cet avantage l’inconvénient d’un goût prodigieux pour les tapis. Toi aussi, mon ami, tu aimes les tapis ; mais tu n’en établis pas assez la différence d’avec le vulgaire paillasson où tu dors, ou même d’avec cet admirable gazon naturel sur lequel nous allons nous rouler tout à l’heure.

Ici, le chevalier commença à se raser, et Turc dissimula mal un premier bâillement d’appétit.

— Je vois, reprit le chevalier, que tu sympathises à mes ennuis. Bien plus, tu viens de me dépeindre, avec ton esprit ordinaire, l’effet que produit sur toute cervelle philosophique ce qu’on appelle le plaisir du salon. Ah ! le salon ! on y bâille à peu près comme tu viens de le faire ! Mon père, qui était homme d’expérience, et que