Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/154

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qu’à mon âge je sois encore sujet à de telles entreprises ! Bon Dieu ! qu’on a de peine à garder ici-bas sa liberté. Si j’étais jeune et élégant comme Turc, passe encore ! Mais à cinquante-quatre ans inspirer des passions, n’est-ce pas bien mélancolique ! Mme  de Vilanel est une aimable personne, je ne saurais le contester. Elle joue admirablement de l’épinette et je l’ai vue broder sur tulle de façon à dépiter Arachné. D’ailleurs, elle ne manque ni d’esprit ni d’instruction et son caractère est des plus doux. Ah ! si nous nous étions connus il y a vingt ans ! D’autant plus qu’à cette époque Turc n’existait pas encore. N’est-ce pas, mon ami, il y a vingt ans, tu n’existais pas encore ? Mais qu’as-tu donc entre les dents ?… Dieu me damne, c’est une hirondelle !

Et le chevalier, ouvrant la gueule de Turc, y recueillit, en effet, une pauvre hirondelle, demi-morte, que le gredin avait happée au vol. Fort ému, M. de Frileuse prit un air sévère :

— Monsieur, fit-il, il est des tours d’adresse auxquels je refuse mon admiration. N’espérez pas que je vous complimente. L’hirondelle est un oiseau sacré. Sacra avis !

Et après avoir réchauffé l’oiseau dans son gilet, il le posa sur un toit de cabane et continua