Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dire que l’élève en avait remontré au maître tout de suite. « Ah ! qu’elle était douée ! » me disait-il encore longtemps après, au souvenir de ces leçons délicieusement inutiles. Pour les autres, il s’était borné à lui composer par mode d’anagramme, un nom d’affiche aussi transparent que typique, et sans grand effort de génie, il avait renversé Aldine Gérat en Géraldine. Là-dessus, elle était partie pour la gloire.

Si cette charmante vierge folle avait ainsi payé son virginal tribut à la Provence, sa lumineuse terre natale, j’ai pu me convaincre qu’elle avait totalement oublié — ce qui est assez rare — jusqu’au nom du sacrificateur. Ce trait-la peint en raccourci. Géraldine, en amour, n’aima jamais que l’amour même, et le dernier, pour elle, fut toujours le premier. Pourtant, le félibre lui avait décerné des vers ; mais que voulez-vous ? elle ne pouvait pas fermer la patte toujours ouverte où palpitait son cœur de tourterelle. De tous les heureux qu’elle a faits en ce monde, le seul que, la porte passé, elle n’ait jamais oublié fut Tacoman, roi de Chaonie. Il est vrai qu’ils étaient créés : l’un pour l’autre, car Dieu aussi les appareille.

Laissez-moi vous conter leur première rencontre.