Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/198

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— Où allons-nous donc ?

— Je ne sais pas, leur criait Polanson, du haut de la vigie, mais si ce n’est pas au poste, c’est au Havre.

Entre ceux et celles à qui la plaisanterie semblait mauvaise, Géraldine la trouvait détestable, et jamais belle Géorgienne enlevée pour le harem par des marchands d’esclaves ne poussa de cris plus aigus sur la troïka de ses ravisseurs.

— C’est ma position, clamait-elle, on me fait perdre ma position !

A présent, le Coromandel avait pris l’allure folle de ce « bateau ivre » chanté par le poète verlainien. C’était miracle qu’il ne se fût pas brisé sur la culée d’un pont. Des barques s’étaient mises à notre poursuite. Les tziganes râclaient éperdument. Les rives fuyaient. Le bateau de fleurs n’était plus qu’un bateau de perruches sur lesquelles un vautour plane. Géraldine menaçait de se jeter à l’eau toute habillée, ce qui n’était pas beaucoup dire. Titubard était calme à la barre. Polanson nommait les paysages à tue-tête : « L’île de Billancourt… les Moulineaux… le Bas-Meudon…. » comme un guide. Ce fut là que nous abordâmes, je n’ai jamais su comment, par la clémence de Nep-