Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/206

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s’étendaient. Oh ! pour les atteindre, quels efforts terribles ! Mais il ne parvenait qu’à tourner sur l’épingle, dans sa plaie, comme une girouette au vent, et de plus en plus il s’enfonçait dans le pal, vers le lit de camphre délétère. Wilfried allait d’un pas rapide, comme pour le secourir.

Autour du supplicié les libellules, les belles mouches bleues, les papillons bariolés, les hannetons curieux, voltigeaient pleins de pitié, car les bêtes s’aiment dans leur impuissance. Et puis le doux bruissement des feuilles, les danses hiéroglyphiques des rayons, les clapotements du lac, le printemps, l’amour, la vie partout, et lui, fixé, le cœur traversé d’une longue lance immobile, hélas, mon Dieu, quelle torture !

— Bourreau ! dit Wilfried, bourreau !

Lutz regarda le darwiniste et se prit à sourire. Alors, le cœur ulcéré, la flamme aux yeux :

— Lâche ! fit Wilfried.

Et il souffleta le tortionnaire.

Lâche est une grosse injure, et un soufflet appelle la mort. Comme ils étaient tous deux ardents et forts, ils entrèrent dans le bois, et ils s’arrêtèrent dans le silence d’une clairière,